Les doigts de tétra

Avant de rencontrer – et de tomber en amour avec – l’auteure de ce blog, j’étais d’une ignorance somme toute assez ordinaire sur les questions du handicap. Comme une très grande majorité des gens valides, je pensais, par exemple, que la différence entre tétraplégique et paraplégique pouvait se résumer en deux équations:

  • paraplégique = jambes NOK + bras OK
  • tétraplégique = jambes NOK + bras NOK

Sauf que ce n’est pas si simple. Les tétraplégiques “de niveau bas” – dont Stéphanie – compliquent en effet ce système comparatif binaire. Car:

  • tétraplégique de niveau bas = jambes NOK + (bras +/- OK)

Par (bras +/- OK), on entend des bras qui ont conservé (ou récupéré) un minimum de mobilité. Le tétraplégique de niveau bas bouge donc le haut du corps avec plus ou moins d’aisance (selon la “hauteur” de la tétraplégie). Ce qui, pour les valides ignorants dont je faisais jadis partie, peut certes prêter à confusion et les faire passer pour des paraplégiques un peu maladroits…

[heading title=”Le doigt d’honneur” type=”h2″ font_size=”” margin_top=”10″ margin_bottom=”5″ color=””]

J’ai bien dit “bras”, pas “doigts”. Car là est une différence fondamentale entre paras et tétras de niveau bas. Ces derniers ne peuvent maîtriser complètement les mouvements de leurs doigts. Stef vous a déjà livré plusieurs fois les complications que ce détail engendrent au quotidien. Moi, c’est le détail qui me permet, désormais, de différencier en un coup d’oeil un para d’un tétra. Les mains d’un tétra sont soit ouvertes, soit fermées mais le mouvement d’une position à l’autre est complexe voire impossible, faute de réponse nerveuse ou de force. Stéphanie a, par défaut, les mains en position ouverte. Pour serrer le poing, elle doit s’aider de l’autre main. Ce qui n’aide guère pour faire des doigts d’honneur – demandez-lui un jour de vous en faire un… c’est à pleurer de rire! Ses doigts sont tendus mais légèrement écartés: elle ne peut pas les serrer les uns contre les autres.Ce qui n’aide guère pour cacher quelque chose avec sa main.

Cela m’amène à l’anecdote de cet article (car c’est bien le sujet de ce blog: on n’est pas là pour donner des cours d’anatomie).

[heading title=”Bandes-annonce” type=”h2″ font_size=”” margin_top=”10″ margin_bottom=”5″ color=””]

Ma femme et ma fille sont fans de l’émission Money Drop. Emission familiale, diffusée à heure de grande écoute. Coupée, forcément, par quelques écrans publicitaires. Et par des bandes-annonce. Entre deux trappes qui s’ouvrent, Sharon Stone qui pousse la porte de son opticien Afflelou (Sharon chez Afflelou… WTF! Dans la Vraie Vie comme diraient Florence et Vanessa…), une vanne à 2€ de Laurence Boccolini et l’insupportable rengaine “Carglass répare, Carglass remplace”, s’affichent donc les teasers de Koh Lanta, les spoils de The Voice et les futures exclus de Sept à Huit. Mais on a droit aussi, régulièrement et sans prévenir, au cadavre calciné que vont devoir analyser Les Experts, aux interventions pleines de tendresse de Bruce Willis dans le dernier Die Hard ou au meurtre brutal que devra élucider la brigade de Sections de recherche. Heureusement, TF1 n’a pas acheté les droits de diffusion de The Walking Dead ou de Game of Thrones

[heading title=”Pas pour les petits” type=”h2″ font_size=”” margin_top=”10″ margin_bottom=”5″ color=””]

Dans ces cas-là, l’instinct maternel et protecteur de Stéphanie intervient en une-demi seconde. En détournant l’attention de notre fille. Ou, si elle est proche d’elle, en lui cachant les yeux d’un geste de la main.

Cacher les yeux + geste de la main + doigts de tétra. Vous voyez venir l’anecdote?

Notre fille, avec toute la candeur et la franchise de ses six ans:

Maman, pourquoi tu mets ta main devant mes yeux?

Stef:

Parce que ce sont des images pour les grands, que tu ne peux pas regarder

La puce:

Mais, maman, avec tes doigts tous écartés, ça ne sert à rien: je vois quand-même les images!

Stef:

Ecrit par mon amoureux Karim